Le jeu vidéo est en perpétuelle évolution depuis ses débuts sur beaucoup de ses aspects. Les graphismes évoluent, les musiques évoluent, le multijoueur évolue, … Il s’agit de constats assez simples à faire ne serait-ce qu’en appliquant des comparaisons techniques basiques entre les jeux les plus vendus sur console en 1986, et les jeux les plus vendus sur console en 2016. Le jeu vidéo dispose de toujours plus de ressources. Mais il existe un aspect autrefois sujet à débats et aujourd’hui davantage oublié des discussions : celui du prix final auquel est vendu un jeu.
, 10 euros, nommé « best game ever » dans [un sondage](https://www.gamefaqs.com/features/bge20_vote). Image](http://static.lechompenchaine.fr/img/articles/31/image_5817901be81ac.png)
Un jeu sur support physique dans le commerce a souvent coûté plusieurs dizaines d’euros, et aujourd’hui encore, un jeu fourni dans une simple boîte (hors éditions collector) peut avoisiner les 70 euros dans certaines enseignes. Mais en trente ans, la dématérialisation s’est démocratisée, et l’évolution de la technique a permis de faire drastiquement baisser le coût de production des jeux les moins gourmands, par l’arrivée de langages de programmation moins complexes et de moteurs de jeu davantage accessibles.
En conséquence, il n’est pas rare de voir des centaines de jeux émerger chaque semaine sur les plates-formes dématérialisées, et dans des gammes de prix parfois inférieures aux jeux que l’on peut trouver en version boîte au magasin. Aurait-on imaginé Nintendo vendre Super Mario Bros. pour cinq euros en 1985 ? Aurait-on imaginé l’arrivée de la scène dite « indé » et de sa farandole de jeux accessibles à dix ou vingt euros en 1985 ? Aurait-on imaginé qu’un jour, une plate-forme comme le Google Play puisse exister et fournisse chaque jour des milliers de jeux gratuitement en 1985 ?
Les jeux sont moins chers, mais paradoxalement, ces jeux moins chers ont été divisés en deux stéréotypes par les joueurs, la scène « indé » et la scène « free2play ». Aujourd’hui, il est souvent accepté qu’un jeu dit « AAA » (généralement les productions des studios les plus connus et les plus poussées d’un point de vue technique) soit vendu autour de 50-60 euros en magasin. Le débat s’est néanmoins déplacé dans le milieu « indé » et peut parfois surgir quand un jeu est vendu près de 40 euros comme dans le cas de The Witness.
Mais le débat ne connaît pas la même ferveur. Beaucoup de joueurs ont désormais l’habitude de payer parfois plus cher pour d’autres jeux ; d’autres bénéficient d’un meilleur niveau de vie, leur permettant de définir un budget loisirs plus large, voire d’être prêts à payer plus cher si cela permet aux développeurs de vivre décemment de leur activité. Mais le modèle du free2play est souvent délaissé des discussions et débats sur le jeu vidéo, car imaginé comme étant « casual », dénigré par toute une catégorie de joueurs, dépossédé de sa légitimité par des proverbes tels que « Si c’est gratuit c’est toi le produit. ». Le système comprend ses défauts, mais doit-on vraiment en occulter les avantages, pourtant pas si anodins ?
Pour cet article, par « free2play » sera défini tout jeu accessible gratuitement au téléchargement, non limité en nombre de lancements ou en temps de jeu (limitations que l’on retrouve dans certaines démos), et dont la majorité du contenu (niveaux, bonus, fonctionnalités) est accessible gratuitement. Le free2play pourra librement baser son modèle économique sur la publicité, les partenariats, et/ou l’achat de bonus supplémentaires. La définition reste néanmoins assez vague, mais ces critères devraient suffire pour catégoriser les exemples qui illustreront l’article.
Bon nombre de jeux disponibles sur smartphone aujourd’hui peuvent se retrouver dans ces principes. Mais sur Nintendo 3DS, on ne retrouve au total que cinq jeux eShop correspondant à cette définition :
- Pokémon Shuffle
- Pokémon Rumble World
- Nintendo Badge Arcade
- Pokémon Picross
- Metroid Prime : Blast Ball
Ce dernier est un cas particulier, car il s’agit d’un jeu dérivé de « Metroid Prime : Federation Force », rendu disponible séparément dans le but d’en présenter l’univers. Il ne dispose d’aucun modèle économique interne, ne propose aucun achat en jeu … Blast Ball est un jeu entièrement gratuit, il est impossible d’y acheter quoique ce soit, si ce n’est un tout autre jeu, Federation Force. Les autres jeux quant à eux proposent chacun des achats à leur manière.

Dans Pokémon Shuffle nous sont présentées des grilles de 6*6 Pokémon. On y trouve généralement quatre Pokémon différents, et le but du jeu est de les déplacer pour former des lignes/colonnes composées de trois exemplaires ou plus du même Pokémon, ce qui a pour effet de les faire disparaître et de marquer des points. Il s’agit d’un type de puzzle game relativement répandu et déjà dérivé avec bon nombre d’autres licences.
Le jeu propose des centaines de niveaux, en terminer un (passer une certaine limite de points) permet généralement d’avoir une chance de capturer un Pokémon pour l’ajouter à son équipe. Il faudra ensuite sélectionner pour chaque niveau les quatre Pokémon qui composeront la grille. Pour lancer une grille, il faut généralement payer un cœur, accordant un essai pour finir la grille. Le jeu redonne un cœur au joueur une fois trente minutes de temps réel passées (même si la console est éteinte), et le joueur peut conserver au maximum cinq cœurs. Mais la boutique de jeu permet d’acheter des cœurs supplémentaires dans un stock séparé de la limite des cinq. On retrouve là une mécanique classique du free2play peu appréciée des joueurs traditionnels, une limitation de jeu imposant d’attendre avant de reprendre une partie. Les cinq cœurs de la limite sont généralement consommés en une dizaine de minutes, les plus impatients vivent alors la frustration de ne pouvoir jouer à loisir. Chaque semaine, des grilles spéciales sont proposées aux joueurs, dans lesquelles il est possible de capturer certains Pokémon n’apparaissant pas dans le mode de jeu normal. Ces grilles spéciales sont généralement mises à jour toutes les semaines ou quinzaines, et remplacent les précédentes, ce qui permet de fidéliser le joueur avec des mises à jour régulières.
Pokémon Shuffle est sorti le 18 Février 2015 et est parvenu à tenir la promesse de ce dernier paragraphe, en proposant des mises à jour régulières et des ajouts de fonctionnalités et de types de bonus au fil du temps. Le jeu a beaucoup évolué depuis sa sortie où il comportait moins de 200 niveaux pour aujourd’hui proposer la quasi-totalité du catalogue de Pokémon existants … La fin de la liste des Pokémon existants étant proche, les développeurs ont néanmoins trouvé une astuce pour prolonger la durée de vie du jeu de manière quasi infinie … les formes alternatives de Pokémon.
Au fil des jeux de la série principale ont régulièrement été introduits des variantes pour certains Pokémon. On pensera par exemple à Motisma, un Pokémon pouvant prendre les formes d’appareils électroménagers, à l’invention de pré-évolutions ou d’évolutions supplémentaires pour des Pokémon existants, aux Méga-Évolutions, … Shuffle reconduit évidemment tous ces changements … mais ajoute également les siens au risque de proposer d’étranges idées.

Ainsi, on retrouve les traditionnels Bulbizarre, Salamèche et Carapuce, et Bulbizarre, Salamèche et Carapuce « Clin d’oeil ». Les deux versions sont comptées comme deux Pokémon totalement distincts, et sont différenciés par leur moyen d’obtention, leur capacité … et le fait qu’ils font un clin d’œil. À l’heure d’écriture de cet article, le même traitement a également été appliqué pour Raichu, Togekiss, Doudouvet, Farfaduvet, Rondoudou et Mélofée.
Il existe également des formes « Déguisé », dans lesquelles les Pokémon sont parfois costumés, à l’inverse de leur possible forme méga-évoluée. C’est le cas pour Ténéfix, Ectoplasma, Pitrouille et Banshitrouye. Mention spéciale pour Pikachu disposant de ces deux formes, ainsi que d’une forme « Agacé » et d’une forme « Content ». Le jeu est encore mis à jour, et dispose également d’un portage mobile. Quant à savoir si le but des prochaines mises à jour est de réaliser ou non un catalogue d’émoticônes de chaque Pokémon, la question reste en suspens.


Pokémon Rumble World est sorti le 08 Avril 2015 sur l’eShop, et en version boîte (et donc payante) le 22 Janvier 2016. Il s’agit d’un jeu d’action dans lequel on contrôle des jouets à l’effigie des Pokémon devant se battre contre des hordes d’autres jouets. Une fois éliminés, les jouets sont convertis en pièces, ou conservés pour être réutilisés ensuite. Les différents jouets Pokémon sont accessibles via différentes montgolfières qu’il faut débloquer en dépensant des diamants. Il est nécessaire d’accumuler 1240 diamants pour débloquer toutes les montgolfières. Utiliser une montgolfière permet de tirer au sort un lieu comportant une dizaine de jouets Pokémon différents, présents sous forme de hordes de dizaines de jouets. La partie terminée, il faudra plusieurs heures à la montgolfière pour se regonfler, et donc il faudra patienter plusieurs heures de temps réel avant de pouvoir rejouer avec cette montgolfière.
Le Mode Aventure du jeu permet également de gagner des diamants en finissant ses niveaux (qui sont débloqués en fonction du nombre de jouets Pokémon différents capturés). Ce mode comporte une trentaine de niveaux, permettant chacun de remporter une dizaine de diamants. La version payante fournit de base 3000 diamants, ainsi que 40 diamants par jour où le jeu est lancé. La version gratuite permet de récupérer des diamants chaque jour, en se connectant à Internet avec la fonction Spotpass pour trouver des Mii d'autres joueurs, en croisant/sauvant ces Mii dans les niveaux, et parfois en croisant ces Mii sur la place du jeu. Il est possible d’y acheter au maximum 3000 diamants (ce qui débloque ensuite toutes les fonctionnalités du jeu en version boîte). D’autres boutiques sont disponibles dans le jeu, permettant de récupérer des éléments de personnalisation, ou de réduire le temps d’attente, en dépensant des pièces ou des diamants.
À l’inverse de Shuffle, Pokémon Rumble World n’a connu quasiment aucune mise à jour, si ce n’est le 4 Août 2015 quand un équilibrage a été fait et qu’une montgolfière spéciale a été ajoutée (permettant de croiser des jouets Pokémon au hasard de toutes les montgolfières débloquées, avec une priorité sur les jouets encore non capturés). Le jeu tel qu’on le connaît aujourd’hui n’a quasiment pas changé depuis son arrivée. Débloquer une montgolfière permet de capturer de nouveaux jouets, de faire grimper son niveau et d’accéder à de nouveaux niveaux du mode Aventure, ce qui permet de bénéficier de quelques jours de nouveautés à chaque nouvelle montgolfière (au vu du temps d’attente pour la regonfler).
Mais quand vient le moment de débloquer les montgolfières les plus chères (au maximum 200 diamants), il peut s’écouler plusieurs mois d’attente avant de pouvoir accéder à du nouveau contenu si payer n’est pas envisageable. Le joueur peut ainsi se lasser plus vite du jeu, car n’étant pas mis face à de nouveaux défis pendant plusieurs mois. Comme cela a été souligné néanmoins, le jeu n’est plus mis à jour et dispose d’une limite d’achat, matérialisée par les 3000 diamants achetables (environ 29€). Au-delà de cette limite, les diamants sont gratuits et toutes les mécaniques d’attente et d’achats in-game disparaissent. Pokémon Rumble World est un jeu parfaitement hybride, il inclut les mécaniques de free2play et peut être terminé sans payer, mais toutes ces mécaniques disparaissent une fois un certain montant d’argent dépensé … une fois que le jeu a été acheté en un sens.


Fin 2015, la 3DS a reçu une mise à jour introduisant le concept de badges. Il est désormais possible d’épingler des sortes de pin’s numériques sur le Menu Home de la console afin de le personnaliser. Ces badges sont à l’effigie de personnages, objets ou décors de tout les univers Nintendo de toutes les époques. Obtenir de nouveaux badges se fait par l’intermédiaire du jeu Nintendo Badge Arcade sorti le 13 Novembre 2015. Ce jeu propose plusieurs machines à badges, principalement inspirées du concept des machines à peluches des fêtes foraines. Il faut y déplacer une pince afin d’attraper les badges disséminés dans une machine, et de tenter d’en emporter avec soi. Le jeu propose plusieurs dizaines de machines en durée limitée, mises à jour quasi chaque semaine (souvent selon l’actualité Nintendo). Il suffit de payer un euro pour pourvoir actionner la pince cinq fois (il est possible de changer de machine entre chaque partie).
Si ce n’était pas son fort au lancement du jeu, les diverses mises à jour ont permis de débloquer davantage d’options pour remporter des parties gratuites. Chaque jour, cinq essais sont offerts sur une « pseudo-machine », reprenant le contenu d’une machine à badges au hasard. Les badges emportés ne peuvent être ajoutés au menu Home, mais en collectionner dix au fil des jours permet de débloquer une partie sur une vraie machine. Certains de ces badges ne peuvent être emportés, car ils cachent des bonus (il n’est possible de gagner qu’un bonus par jour au maximum) offrant une ou trois vraies parties. De plus, deux jours par semaine, deux parties sont offertes par le jeu. Toutes ces parties doivent être consommées immédiatement.
Nintendo Badge Arcade est un cas un peu particulier de free2play, du fait que de vouloir le terminer sans payer risque d’impliquer de jouer pendant … plusieurs années. Le jeu est mis à jour chaque semaine avec de nouvelles machines. Les anciennes reviennent régulièrement, mais plusieurs dizaines de badges sont bel et bien ajoutés chaque semaine. Certains badges ne peuvent être obtenus que dans une seule machine, et il faudra parfois « dégager le passage » pour les obtenir, c’est-à-dire utiliser trois voire quatre essais pour atteindre un badge en particulier. Trois ou quatre essais qui constituent la majeure partie du temps le nombre d’essais gratuits maximal pour une journée.
Il peut être possible de récupérer tous les badges d’une machine sans dépenser un sou, de compléter des séries à l’effigie des licences proposées, mais vouloir récupérer TOUS les badges du jeu sans payer est potentiellement l’un des défis les plus complexes qu’il puisse exister dans le monde du jeu vidéo.


Le dernier free2play sorti à l’heure actuelle sur 3DS est Pokémon Picross, le 03 Décembre 2015. Son nom l’indique, il s’agit du puzzle game Picross adapté à la licence Pokémon, dans lequel il faut compléter une grille en remplissant certaines cases selon un schéma de numéros, dans le but de constituer un dessin. Dans le cas de Pokémon Picross, les grilles à compléter représentent en majorité des Pokémon. Ceux-ci sont répartis sur trente zones, à raison d’une dizaine de Pokémon en moyenne par zone. Débloquer une zone implique de dépenser entre 50 et 250 picrites. Terminer tous les objectifs d’une grille rapporte généralement 6 picrites (mais il sera nécessaire de refaire certaines grilles pour en achever tous les objectifs), et démarrer le jeu un jour permet de remporter entre 5 et 15 picrites selon l’avancée dans le jeu. Cent missions doivent également être complétées, chacune d’entre elles rapportant 3 picrites. Il est possible d’utiliser les Pokémon des grilles terminées pour activer des bonus pour aider à compléter les grilles. Par défaut, on ne peut en emporter que deux par grille, mais une option permet de dépenser des picrites pour débloquer trois emplacements supplémentaires.
Le mécanisme de l’attente est ici matérialisé par la Jauge P, pouvant atteindre par défaut 200 unités. Remplir une case dans une grille consomme une unité, et une unité s’ajoute à la jauge à chaque minute de temps réel écoulée. La jauge épuisée, il est proposé au joueur de dépenser des picrites pour la remettre au maximum, et il existe également une option permettant d’augmenter le maximum d’unités de la jauge par paliers (300, 400, puis infini). Enfin, les picrites peuvent être utilisées pour débloquer l’accès aux grilles des Pokémon Méga-Évolués, et pour débloquer le Mode Alternatif proposant les mêmes grilles que le Mode Normal sous un mode de complétion plus difficile, et sans gain de picrites par objectif rempli. Il est également à noter que comme pour Rumble World, il est possible d’acheter des Picrites, mais dans une limite de 5000 (environ 32€), celles-ci sont ensuite accordées plus facilement et gratuitement.
Des quatre jeux présentés ici, Pokémon Picross est sans doute le seul jeu pouvant être terminé en moins d’un an si l’on se fixe l’objectif de ne rien payer. Débloquer les zones en priorité est essentiel, car elles permettent d’accéder au plus de picrites et de faire évoluer le gain quotidien le plus rapidement. Il est potentiellement inutile d’agir sur la Jauge P, car débloquer une zone implique de disposer de grilles à compléter pour deux ou trois jours de jeu intensif, et il suffit de se connecter au jeu tous les jours durant deux semaines au maximum pour rassembler assez de picrites pour débloquer une nouvelle zone. Ajouter des emplacements de Pokémon est également discutable, bien souvent, l’usage d’un seul bonus peut suffire à venir à bout des grilles et objectifs les plus coriaces.
Débloquer les grilles des Méga-Évolutions ne permet pas d’accéder à assez d’objectifs pour en rentabiliser l’achat, et jouer en Mode Alternatif ne rapporte absolument rien en picrites en-dehors des missions à y accomplir. Il est malgré tout nécessaire de débloquer toutes ces options pour terminer toutes les missions du jeu, mais il faut bel et bien moins d’un an pour y parvenir.

Quatre cas de free2play, quatre systèmes économiques décrits. Les opposants du principe ne seront ni surpris ni convaincus d’y jeter un œil. Mais au travers de ces quatre exemples, il est néanmoins possible de dresser une liste de points méritant l’attention et montrant en quoi le free2play a pleinement sa place dans le monde du jeu vidéo.
On critique souvent le free2play pour la frustration qu’il procure au joueur par son système d’attente. Avec l’habitude de se plonger dans une session de jeu durant parfois plusieurs heures, il est vrai que d’imaginer être bloqué dix minutes après avoir lancé une partie par une jauge de patience peut déboussoler de premier abord, pire encore quand l’appel à payer pour réduire l’attente est présenté à l’écran. Mais qui dit quatre cas de free2play peut vouloir dire … jouer à quatre jeux vidéo en même temps.
Pourquoi ne pourrait-on pas remplacer une longue session de deux heures sur un jeu vidéo par une multitude de petites sessions sur plusieurs jeux à la fois ? Jouer à ces quatre jeux simplement pour en récolter le bonus quotidien permet de combler environ 10-15 minutes chaque jour. Chercher à avancer dans ces quatre jeux peut permettre de doubler, voire tripler le temps passé dessus. Cumuler encore plus de free2play du même genre peut permettre à terme de surmonter les temps d’attente imposés par ces jeux. Du temps de compléter deux gros puzzles sur Pokémon Picross, un nouvel essai est arrivé sur Pokémon Shuffle. On peut même envisager y ajouter des free2play d’autres plates-formes, et le temps d’attente ne devient alors plus un problème.
Qui plus est, ces temps de jeux cumulés restent avant tout des temps de jeu calculables … à savoir que si le jeu parvient à être fini, on peut établir un premier exemple de durée de vie. En l’occurrence, cumuler les bonus quotidiens permet d’augmenter la durée de vie du jeu de manière considérable, ce que ne peut pas faire un jeu traditionnel qui n’implante pas ce genre de système. Le défi quotidien fait partie du jeu, il est impératif d’y revenir le plus souvent possible afin d’y progresser. Et c’est seulement en complétant ces défis que l’on peut progresser dans le cœur du jeu. Un mécanisme pareil n’existe dans quasi aucun jeu traditionnel. Mais ce type de défi a ses limites, car on arrive rapidement dans un état de travail à la chaîne. Devoir retourner chaque jour sur le même jeu pour effectuer la même action pour pouvoir y progresser … sans mises à jour régulières, impression de variété, ou progrès rapide, difficile de ne pas ressentir de lassitude. La satisfaction n’en est toutefois que plus grande dès qu’un palier est passé, voire que le jeu est terminé. La satisfaction de compléter un jeu est souvent présente chez les joueurs. Après des jours passés dans l’univers d’un jeu, arriver à son terme peut être émouvant. Le free2play ne peut être exclu de ce sentiment, et celui-ci peut même être encore plus présent. Terminer un jeu ayant partagé le quotidien du joueur pendant plusieurs mois, voire années peut s’apparenter à la fin d’une aventure considérable, au bout d’une quête démarrée voilà des centaines de jours.

Mais l’une des plus grandes critiques adressées au free2play, c’est certainement son modèle économique parfois discutable. Un jeu gratuit incluant des formes d’achat sans limite, ayant amené à la création d’une catégorie de joueurs nommés « baleines », du fait de leur capacité à dépenser des dizaines, voire des centaines d’euros pour améliorer leur confort de jeu, là où un jeu classique ne se paiera qu’une seule fois. Shuffle et Badge Arcade, du fait de leurs mises à jour régulières peuvent inciter à adopter ce type de comportement.
À l’inverse, Rumble World et Picross ont potentiellement adopté un système de transactions sain et équilibré, en définissant un plafond d’achat, une limite d’argent à dépenser avant de débloquer des ressources sans restriction. Rumble World l’illustre bien via son existence hybride : gratuit en version dématérialisée, avec un plafond d’achat ; payant en version boîte, le même jeu mais considérant que le plafond a été dépassé. Et ce modèle pourrait s’avérer être ici … le meilleur modèle économique qui puisse exister pour un jeu vidéo.
Le free2play est un système de jeu moderne. Son existence s’ancre dans la baisse générale du prix du jeu vidéo en général. Si certains jeux ont abusé de ce système de manière à rendre les achats presque obligatoires pour progresser, d’autres sont parvenus à opter pour un système plus équilibré où le bonus n’est pas obligatoire, et d’autres encore ont opté pour le plafond d’achat. Ces derniers proposent avant tout un jeu gratuit, et misent leur rentabilité sur la patience des joueurs. L’accès au porte-monnaie de ceux voulant et pouvant payer ne devient pas permanent du fait que le jeu pose lui-même ses limites, et les joueurs les moins aisés ont malgré tout accès au jeu en payant de leur temps (ou par l’intermédiaire de publicités). Un joueur se situant entre ces deux catégories est également envisageable au vu des divers paliers d’achat proposés.
Et par l’existence d’un pareil système, on peut commencer à envisager une complète mutation de la manière dont il est possible de bénéficier du jeu vidéo. Un secteur dans lequel la console (ou autre support) une fois achetée pourrait permettre l’accès à l’intégralité de sa ludothèque dématérialisée gratuitement, afin que les joueurs les moins fortunés puissent avoir accès à tous les jeux du marché sans devoir faire un choix entre l’un ou l’autre jeu (voire aucun des deux) pour raisons monétaires. La contrepartie serait le temps passé sur le jeu, faire davantage attendre le joueur entre les niveaux. On peut imaginer un Mario dans lequel il ne serait possible de jouer que sur un seul nouveau niveau par jour, un Zelda dans lequel il ne serait possible de progresser que dans un seul donjon par mois, …
Rien de plus frustrant comme système pour un joueur ayant les moyens de payer ses jeux. Là intervient alors le plafond de paiement. Au-delà d’une certaine somme dépensée dans le jeu (40-50 euros pour se référer aux prix actuels des jeux Nintendo), tous les systèmes d’attente ou de transaction dans le jeu s’évaporent, un joueur peut profiter de son Mario ou de son Zelda comme si ces limitations n’avaient jamais existé. Plusieurs paliers de paiement permettraient ainsi de contenter toutes les classes de joueurs. Le jeu vidéo deviendrait accessible à tous sans distinction de richesse (du moins, il reste le cas du prix de la console). Mais reste alors le problème de savoir si les frais engagés dans la conception d’un jeu sont couverts avec un tel système. Définir les bons paliers suffit-il pour rentabiliser un jeu, ou d’autres concessions seront-elles nécessaires (publicités, partenariats, ...) ?

Dès lors, comment envisager l’avenir du free2play chez Nintendo ? L’entreprise en place pour le moment sur mobile, avec Miitomo et Super Mario Run (bien que le cas de Super Mario Run s’apparente davantage à une démo du fait que seuls les premiers niveaux seront gratuits), et peut-être les futurs jeux en développement. Le format est resté marginal sur 3DS et quasi inexistant sur Wii U, et il est trop tôt pour dire si la Switch proposera ce type de système pour certains jeux.
Mais le développement de pareil système est hélas limité pour le moment. À l’inverse du PC et du smartphone, il est nécessaire de se procurer des kits de développement séparés pour les consoles Nintendo, et leur coût est bien plus élevé que celui d’une console disponible en magasin. Il s’agit d’un véritable obstacle pour les développeurs au budget modeste, ne pouvant risquer pareil investissement, et préférant réaliser leurs jeux sans matériel onéreux. Ce cas est déjà applicable pour un jeu au système économique traditionnel, alors quid des free2play où le terrain est à peine entamé sur console Nintendo ? Il y a fort à parier que les initiatives viendront des plus gros développeurs dans un premier temps … voire de Nintendo lui-même qui dispose déjà de son matériel.
Et en fin de compte, l’image du free2play est-elle si mauvaise ? Ce modèle n’est pas uniquement appliqué sur 3DS et sur supports mobiles, mais existe aussi sur PC. Appliqué dans certains MMORPG et MOBA, rentabilisés par l’achat d’éléments de personnalisation ou de personnages secondaires, ce sont parfois ces jeux qui sont cités en premier quand on évoque le free2play. Si le système souffre d’une mauvaise réputation, il existe déjà bon nombre d’exemples réussis indiquant qu’il est possible pour un jeu d’être accessible gratuitement tout en étant rentable, avec plafond d’achat ou non.
Le free2play est un modèle formidable permettant l’accès au jeu vidéo aux plus défavorisés. Si la question du matériel est encore à définir (cloud gaming ?), implanter ce modèle dans davantage de jeux serait souhaitable pour Nintendo, bénéficiant de son propre matériel, de sa communauté de joueurs, et de la volonté d’en élargir le cercle en gardant des prix acceptables pour le public. S’ouvrir aux joueurs les moins aisés devient alors une possibilité. Il ne reste désormais plus que l’espoir.
 » qui n’est pas du tout sur console Nintendo, mais l’illustration colle bien quand même. Image](http://static.lechompenchaine.fr/img/articles/31/image_581796ca2d86b.png)